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4 décembre 2005

séminaire

J'avais déclaré tout sec qu'ils n'arriveraient jamais à parler de théâtre, qu'elle avait annoncé les comédies de Shakespeare, et qu'on ne les avait pas vues venir, que lui avait promis de parler de Tartuffe, et qu'il n'y viendrait pas, que çà leur était impossible  parce qu'ils étaient psychanalystes et en dehors de l'action. L'action, avais-je dit, ils la voient du dehors, et son dialogue, comme du "corps à plusieurs" (c'est l'expression de FD), voire comme la folie ou du moins son noeud: le trauma, et surtout sous la forme de la guerre. Mais la guerre n'est qu'une modalité très particulière de l'action et celui qui vit dans l'action voit l'inaction d'un tout autre oeil que celui de l'autruche.
Il laisse passer deux semaines, puis commence son séminaire en rappelant ma sortie pour dire qu'il relève le défi et va parler de Tartuffe.

Je précise que FD et JMG qui font le séminaire sont excellents, qu'ils marient l'intelligence, la finesse le talent et l'expérience, et que je suis leur séminaire depuis 15 ans sans épuiser la richesse de leur pensée et de leur culture. Il y du répondant, et c'est pourquoi j'ose et c'est pourquoi ils me supportent (même si beaucoup de participants me trouvent insolent).

Son topo sera excellent une fois encore, et je ne saurais résumer son séminaire tant il est dense, médité, senti et construit. C'est d'abord un jeu de passes faites à toute vitesse dans une floppée de références culturelles. Mais là, j'interviens encore: les références sont anglo saxonnes et leur approche de l'hypocrisie n'est pas du tout la même qu'en France. Que ce soit Oscar Wilde ou Mr Perkins, on commence par la faute et en tire beaucoup d'argent et de plaisirs, puis passe au repentir pour en faire un best-seller dont on tirera encore beaucoup d'argent de plaisirs. C'est comme le premier et le second acte de la même tragédie où tout est prévu au départ et conserve le même public. La tendance protestante ou biblique est de ruminer le péché et d'anticiper le jugement dernier, tandis qu'en France, du temps de Molière comme aujourd'hui, l'approche de l'hypocrise n'est pas le repentir anticipé mais l'excommunication argumentée par la dénonciation. Inclusion dans un cas, exclusion dans l'autre.

Quand il en arrive à Tartuffe, JMG aborde la pièce en psychanalyste et considère le fou (Orgon) dont le rôle était tenu par Molière, en écartant le côté religieux pour faire ressortir le côté politique, critiquant la manière qu'il déclare expéditive et escamoteuse de considerer le "deus ex machina", et donner de l'importance au problème de la cassette et à l'intervention de l'exempt.
Et puis quand le séminaire est fini, c'est l'inverse du commencement de Tartuffe ("Vous marchez d'un tel pas qu'on à peine à vous suivre"), car, sans m'en apercevoir, je me retrouve subitement à sa hauteur en traversant une rue. J'en profite pour lui demander où il place le psychanalyste et il me répond qu'il l'a dit à la fin: à la place de l'exempt. L'exempt est, pour Molière, l'officier chargé des arrestations, qui, dans la pièce, arrête le coupable, et non celui qu'on lui a désigné et s'en explique en se référant à  l'Histoire, tenue pour la Vérité.
Je lui réponds que je ne suis pas d'accord et que si on me demande ce qui s'est passé en France entre 1914 et 1918, je réponds que Toulet a écrit "Mon amie Nane". C'est, dit-il une autre façon de voir les choses.
Cela va se corser quand on va en revenir à Tocqueville, car "La Démocratie en Amérique", seconde partie, est le thème de son séminaire. J'y vois une sorte de dissertation philosophique remplie  d'effervescence juvénile, et plus tard, avec le temps et l'expérience, Tocqueville, se prenant moins pour un aigle, sera moins volatile et fixera son attention sur des aspects moins fumeux et plus concrets de la vie politique. Mais La Démocratie en Amérique est aussi l'ouvrage qu'a choisi Mr Chirac pour en faire cadeau à Mr Bush. Est-ce donc que le psychanalyste se prend quelque peu pour un officier ministériel ou un agent de l'état, et peut-il en être autrement? Et jusqu'à quel point la psychanalyse (mais aussi la médecine) sont-elles des arts nationaux cadrés par l'Histoire?
J'ai l'impression qu'au contraire, l'illusion citoyenne se perd comme autrefois l'illusion religieuse, qu'on commence à prendre conscience que les erreurs politiques sont inévitables et que tend à se dissiper l'erreur de supposer un pouvoir qu'ils n'ont pas et qu'ils n'ont jamais eu à des gens qui perdent en ce moment leur prestige, leur faconde, et même leurs moyens d'action, peut-être grâce aux médias qui montrent que plus le singe monte haut, plus il montre son derrière.
Mais Tocqueville, à son époque en était aussi arrivé là, notamment quand il prédisait devant la Chambre la révolution de 1848, trois jours avant qu'elle n'explose, et sans arriver à se faire entendre.
Comme Mr Montebourg ?

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