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23 octobre 2007

L'opium du peuple est la psychologie

La théorie du "double bind" illustre, par sa timidité, l'erreur qu'on peut commettre dans une approche clinique des  phénomènes psychiques parce que l'approche clinique utiise la notion de norme qui est loin d'être exempte de pathologie, surtout en matière psychique. La théorie du "double bind" a été critiquée moins parce qu'elle expliquait que par ce qu'elle osait le dire, alors qu'en réalité, elle n'allait pas assez loin.

C'est une erreur monumentale que de vouloir faire correspondre l'âge avec l'expérience. Considérez quelqu'un qui lit 1 heure par jour et quelqu'un du même age qui ne le fait pas. Il fait autrechose qui lui apporte une autre expérience. Dix ans plus tard, le cheminement que le deux suivent en pensant, les points d'appuis qu'ils utilisent, les correspondances qu'ils établissent, ne sont pas les mêmes.
Mais si, pour éviter ou pour limiter ces différences on canalise les expériences dans une prétendue formation commune, non seulement on risque de produire un égarement collectif, mais on risque de paralyser le développement mental.
Le mimétisme, l'obéissance et le comportement rationnel sont simplement trois moments sucessifs du processus de compréhension et de maitrise. Faute de mieux, en arrivant dans une société, on observe ce que font les autres pour s'adapter, puis obéit en appliquant une règle , puis s'en affranchit en adoptant un comportement plus rationnel, cas par cas. Les expériences précédentes permettent de savoir où on en est parce que ce processus se répète en toutes circonstances et il n'y a même pas besoin de savoir qu'on occupe successivement un rôle d'observateur, puis d'exécutant, puis d'acteur quand le passage se fait progressivement et graduellement.

Le lien social
Si j'ai distingué ces trois étapes, c'est parce que le processus peut se bloquer. On sait combien les enfants scolarisés ont peur de ne pas être comme les autres. Dans ce cas, pour passer du mimétisme à l'obéissance, il faut explquer qu'on ne se conduit plus d'instinct, mais "parce que...", ce qui provoque l'énoncé d'une règle. Ensuite, les éléments d'information dont on dispose et sur lesquels on se fonde s'accumulent, les cas se multiplient, la règle s'assouplit et ne peut plus être formulée que de façon vague et globale. On agit selon sa conscience, et pour le soutenir face à une objection, il serait commode d'invoquer Dieu qui figure la conscience comme font les musulmans face aux envahisseurs occidentaux. Mais les criminels mécaniques sont des mercenaires domestiqués privés de conscience et de jugement. Moins ils comprennent, plus ils les expliquent, et ces explications décrivent le fonctionnement mental de ceux qui les inventent.
On peut donc donner le nom de lien social à ce blocage du développement qui se manifeste aussi bien dans la peur que les enfants scolarisés ont de se singulariser que dans l'incompréhension des kamikases. Il est extrèmement grave de ne pas le savoir et de refuser de l'avouer car il est évident que pour empêcher de choisir il suffit d'empêcher de comparer et les gens qui déclarent ne pas pouvoir penser seuls n'ont pas appris à le faire et restent englués dans le lien social. Une bonne part de ce qu'ils appellent psychologie peut être compris comme de l'hystérie et particulièrement ce qu'ils appellent transfert et contre-transfert.
La séquence "couper le cordon ombilical, révolte contre le père, divorce", souvent présentée comme une fatalité et même comme une suite d'étapes du développement humain ne peut se comprendre que comme un blocage du développement naturel imputable à une prétendue vérité révélée mais surtout imposée qui qualifie d'avance le bien et le mal de façon dogmatique et ne laisse pas la possibilité de le chercher et de le découvrir. Il y a donc bien une pathologie qui autorise une approche clinique, mais cette pathologie est sociale. Transformer une pathologie sociale en une patologie individuelle et la traiter comme telle est un redoublement d'erreur.
Quand on parle de névrose de guerre, il ne faut pas oublier la pathologie de la guerre  ni réduire celle-ci à la violence physique. Le problème central est qu'on dispose de vous et vous utilise comme valet de crime. Je sais bien que quand on parle de trauma, on dit qu'il faut deux conditions, mais comme la seconde est nécessaire, la première est superflue et la théorie qui rattache le traumatisme à une blessure physique est un sophisme. C'est le fait qu'en disposant de vous on vous empêche d'en disposer vous-même, le fait de présumer de votre consentement sans s'en informer, le fait de transformer le contenu d'un accord sans le renégocier qui vous entrainent plus loin que vous ne voudriez qui risquent d'étouffer votre volonté et de l'empêcher de prendre corps. Pour ma part, je n'ai jamais vu de victmes psychiquement traumatisées, mais des boureaux, oui.

Expérimentation
Le passage du mimétisme à l'obéiissance conduit à découvrir, puis à énoncer la règle qu'on appliquait jusqu'alors dans le savoir. Ainsi, on n'est plus mentalement ficelé par le lien social qui, rendu conscient, se transforme en règle d'un jeu auquel on peut se prêter ou pas.
Mon terrain d'expérimentation étant les cafés-philo, il s'est trouvé que, contrairement à la coutume, les participants avaient voté un jour pour le sujet que j'avais proposé "Plus on aime les idées, moins on aime le gens". Je l'avais présenté en termes politiques car il est facile à tout le :monde de comprendre que la France est une idée et les français des gens et que mille exemples se présentent à l'esprit pour montrer que plus on aime la France, moins on aime les français et réciproquement, avant de passer à ce que plus on aime une religion, moins on aime les gens qu'elle est supposée relier et qu'on accuse d'incarner le péché.
Or les café-philos, et en particulier celui où j'étais, sont des sortes de temples qui ne sont pas voués à la compréhension mais à une prétendue convivialité extrèmement formaliste mais non formalisée, et si on énonce ce qu'est en réalité le lien social, il est ipso facto menacé par le simple fait qu'on puisse le mettre en discussion.
C'est pourquoi j'ai remarqué de l'étonnement, puis de la révolte contre l'idée même que "Plus on aime les dées, moins on aime les gens" soit un sujet dont on puisse discuter, tant les participants étaient ligotés par le lien social. L'écho de compréhension le plus précis que j'ai entendu venait d'une participante généralement assez embarrassée dans ces propos qui a déclaré au tour de table final: "Je n'ai pas inventé la poudre". La règle tacitement observée étant de ne prononcer que des phrases proposées à l'assentiment général et de s'abstenir de tenir des propos qui visent à autrechose que de manifester sinon un accord, du moins une recherche d'accord, la phrase "Je n'ai pas inventé la poudre", surtout au tour de table final qui fait la synthèse, avait ceci de remarquable qu'elle ne pouvait entrer dans le jeu de la décliner ni à la première personne (moi non plus, etc...), ni à la troisième ("elle n'a pas inventé la poudre, c'est bien vrai"). C'était un pas bien timide, mais un pas tout de même vers un énoncé de la règle qui mettrait fin à l'absolutisme d'un usage, et le premier degré d'un énoncé qui ne prend forme que petit à petit, car lorsque je dis que je viens dans un café-philo comme au zoo, l'énoncé parait provoquant et personne n'imagine que j'aime les animaux.
Il faut décoder la séparation espace-temps qu'on utilise pour communiquer afin de replacer les indications dans le mouvement et la métamorphose, pour que le verbe aimer ait une signification dynamique (être attiré par, aller vers) et percevoir qu'il y a divergence entre la relation directe (vers les gens) et la relation indirecte (vers les idées).

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  • Croire comprendre est seulement avoir l'impression de reconnaitre quelque chose de déjà connu, tandis que déclarer ne pas comprendre indique qu'on a essayé de comprendre et mérite que j'explique.
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