Le nouveau premier ministre
Coincé entre le Littré et la cocotte minute, l'oreiller s'écrasait mollement. Ses plumes repliées sur elles-mêmes, et nostalgiques d'oie se rêvaient volatiles. Au volant, le ministre regardait la télévision; le canon d'un pistolet était appuyé sur sa tempe et l'écran de télévision relatait son enlèvement. Le regard de la fourmi allant du canon à la crosse, de la crosse au poignet, et du poignet au bras immense et puissant, gonflait sa surprise de se trouver dans un camping-car roulant par magie sur le monde de la terre et des pierres, là où l'aphalte crèe la métaphysique.
L'embardée de l'auto, le cri du ministre, le bruit de la détonation, lui mirent la puce à l'oreille où elle mit une boulle quies.
Le ministre zappa et son écran lui montra un forum linguistique où la dispute à propos de la virgule, et l'empoignade à propos du point et virgule avaient convoqué le Pacificateur qui, d'un coup de TLF, avait maté les indigènes prétentieux. Et le ministre prit peur.
L'essuie-glace balaya quelques gouttes de pluie et le ministre ouvrit les yeux. Se découvrant sur l'oreiller, il se ressouvint d'un coup de gourdin d'où sortait un enchaînement de pensées: inspection chez les roms, épiisode chez Caïphe, épisode chez Pilate, et enfin l'oreiller.
Puis, soudain, il pensa à la bouteille de whisky vide qu'on avait trouvée sous le lit de Chevènement dans sa chambre d'hôpital, après son opération, au maxiton du Président, au dopage du champion victorieux, triomphal et acclamé, et aux drogues qui rivalisent d'arrogance quand les journalistes brillent à la télévision. Il se demanda si le laboratoire qui le dopait augmenterait sa pension, et chercha un journal. Il découvrit qu'il avait été nommé premier ministre, et qu'il allait prendre le gouvernail du char de l'état pour naviguer sur un volcan, prit se drogues, et se dressa en criant : Vive la France !