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8 mars 2013

La blague

 STEEN_Jan_Rhetoricians_At_A_Window

 Tenir parole qui tient signification comme on tient une pince qui tient un objet suffit a établir sur des bases solides et à faire vivre une société. Mais, de même qu'on ne peut pas jouer aux échecs avec un joueur de football qui shoote dans les pièces, cette vie ne peut pas tolérer en son sein qu'on ne respecte pas les règles. Il suffit d'avoir menti une seule fois pour être exclu définitivement, et si un peu de relâchement dans la parole rencontre plus d'indulgence, c'est à condition qu'il soit du à la maladresse et non à l'inattention.

Le principe de fonctionnement de ces sociétés est l'entr'aide. Mais un autre mode de fonctionnement, le fonctionnement hiérarchique, est aujourd'hui beaucoup plus répandu en France que l'entr'aide. Ce n'est pas une hiérarchie du commandement comme était la hiérarchie allemande inspirée par le militarisme prussien, mais une hiérarchie de l'imitation qui procède de la mode à laquelle tout le monde se plie sans que personne ne l'ordonne.

Quand les parties sont terminées, on peut théoriquement changer de jeu, et passer d'une société d'entr'aide à une société hiérarchique comme on peut jouer au fooball après avoir fait une partie d'échecs. Mais on prend des habitudes, pour changer de jeu, il faudrait généralement changer aussi de partenaires, et surtout l'ouverture d'esprit porte à s'intéresser à ce qui se passe autour de soi et aux autres, tandis que, sans aller jusqu'à l'autisme, l'atrophie des facultés mentales isole : l'égoïsme et la bêtise vont de pair. C'est pouquoi en général, les gens qui vivent dans des sociétés hiérarchiques ne s'adaptent pas à l'entr'aide et vivent dans une alternance travail-détente.

Au bar des voyous, l'ivresse n'est pas obligatoire, mais le rire. Guttural ou stomacal - chacun y contribue comme il le peut - ce rire crépite violemment toutes les cinq secondes, alimenté par les calembours, les insolences, les hoquets, les grossièretés. C'est une sorte de défécation bruyante et collective que vous pouvez entendre de loin. Elle produit ce que les voyous appellent "de l'ambiance".

Entrre deux blagues, un hableur distribue ses ordonnances à des malades imaginaires et ses conseils juridiques à des chicaneurs. A côté de lui, un prétendu plombier qui ne sait pas enfoncer un clou, tranche de tout à haute voix et sur un ton définitif. Ils sont entourés d'autres talents de comptoir qui ont tous l'arrogance qu'il faut pour couper le sifflet à quiconque afin que leur grossièreté s'affirme dans le tapage.

Ni dans les cafés-pphilos, ni au bar des voyous, on ne trouve la rampe qui, au théâtre, sépare les spectateurs des gens qui tiennent des propos dont ils ne sont pas les auteurs, ni, comme au zoo, des grillages ou des barrières qui protègent des morsures et des coups de patte, et à chaque instant, on risque d'être interpellé, comme le montre le tableau de Steen.

Je regarde la scène du plus loin que je puis. Vue de dos, la pantomine scandée par les blagues et les. ricanements gesticule avec des inclinations jusqu'à terre, des lancers de bras, des contorsions, des trépignements, des roulements d'yeux, des tirages de langue, des grimaces, des halètements. On se menace du doigt et se tape sur le ventre.

Mais quand la frontière qui sépare les spectateurs des joueurs n'est pas suffisamment marquée, le jeu est compromis. Si le vote mélange gouvernants et gouvernés, les élus sont discrédités, et si les médias donnent aux administrés l'impression qu'ils peuvent avoir un avis sur des affaires dont ils ne connaissent rien, Un pouvoir étranger s'exerce. Ce n'est pas forcément le pouvoir politique d'un pays étranger, bien que cela se puisse, mais cela peut être un pouvoir de nature étrangère Généralement, c'est un pouvoir économique : les gens font ce pour quoi on les paye.

Et, comme il est naturel que les voleurs soient riches, les Etats Unis ont étendu leur emprise en finançant des mercenaires avec leurs vols. L'exemple le plus voyant est celui d'Israël.

Les observations que j'ai faites dans les cafés-philos et au bar des voyous ont en commun d'être faites au café à Paris, qui, à la différence des tavernes allemandes et des pubs anglais, est le salon du pauvre. Mais il ne s'agit pas du "dernier salon où l'on cause", car aux cafés-philos, on parle sans rien dire, pour ne rien dire, et pour ne rien entendre dire, et au bar des voyous, le ricanement coupe brutalement et de façon très agressive quiconque commence une phrase pour l'empêcher de la finir. Aux caféés-philos, on discoure, et au bar des voyous on ricane. Si la cohue se calme et qu'on peut se faire entendre, on ne sera pas compris, car les gens n'entendent pas ce qu'on leur dit; ils croient avoir entendu ce qui'ls s'attendaient à entendre.
Cette abolition de l'usage de la parole est remarquable. Les signes non verbaux ne l'expopliquent pas, mais l'imitation.La mode fonctionne sans paroles et si elle inspire des paroles ce sont des moqueries. D'ailleurs, si on observe les médias, il est clair qu'ilis ne s'intéressent guère à ce que disent les gens qu'ils pistent, mais sont très amateurs de moqueries.Quand il n'y avait pas de télévision, on était obligé d'écouter la radio, mais maintenant, on peut se contenter d'images, et les gens incultes ne lisent pas, ils regardent des films.

Je ne peux pas en rester là. Il faudrait que j'ajoute des conclusions. Mais je ne sais pas quoi dire de plus, et peut-être qu'un lecteur y pourvoira.

 
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  • Croire comprendre est seulement avoir l'impression de reconnaitre quelque chose de déjà connu, tandis que déclarer ne pas comprendre indique qu'on a essayé de comprendre et mérite que j'explique.
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