L'optimisme

J'aime bien qu'un critique parle des auteurs qu'il aime et prenne gentiment leur défense de manière simple, et il me semble qu la conférence mondaine inspire un bon ton qu'on ne rencontre pas dans la critique écrite, si souvent lourde, appuyée, envieuse, avec une prétention souvent ridicule à trouver des clés tarabiscotées pour jouer des épaules avec un critique concurrent comme si l'art, le genre, l'auteur étaient des sujets dont on puisse traiter pour atteindre à une vérité scientifique, car plus elle sera scientifique, moins elle sera vérité. J'aime mieux les conférences de Jules Lemaitre sur Chateaubriand et celles de Maurois sur Dickens que les incursions poussives et plus tordues que pénétrantes de tous ces auteurs que je ne nommerai pas mais qu'on indique dans toutes les bibliographies universitaires d'aujourd'hui..

Mais cela va plus loin car je ne pense pas que l'optimisme soit une vision du monde. Je crois plutôt que c'est une option dans la vie, et puisqu'un lecteur m'a demandé de préciser ma pensée sur l'action, je pense que l'action est un prolongement de cette option.

A propos de Dickens, Maurois fait remarquer:
"Pour Dickens, la vie est beaucoup plus simple que pour la plupart des romanciers. Il y a, d'un côté, la masse des hommes qui est bonne, douce et tendre, et, de l'autre côté, d'effroyables brutes à visages de bourreaux antiques, qui ont toujours la canne, le poing ou le couteau levés et avec lesquels il n'y a d'autre remède que de les boxer ou de les pendre" (c'est ce à quoi me faisaient penser les politicards dont je parlais hier). Mais Maurois précise deux choses:

1 - "On voit facilement qu'une telle conception simple de la vie aide ancore à renforcer l'optimisme, car une des raisons pour lesquelles la vie est difficile et souvent triste, c'est qu'elle pose tant de questions sans réponses. Qu'y a-t-il à faire pour une Anna Karénine?....Toutes les nouvelles de Tchékov se bornent à nous poser des problèmes douloureux, que la fin de la nouvelle laisse dans l'état où les avait trouvés le début...

2 - "Mais pour un homme comme Dickens, rien de tel. On pourrait même dire que la présence des méchants ajoute à son monde joyeux et souriant un attrait de plus, un attrait sportif."

Ce qu'il dit de Dickens, on peut le dire de ses ouvrages sur la guerre de 14: "Les Discours du docteur O'Grady" et "Les silences du colonel Bramble." Il s'agit beaucoup moins d'une vision optimiste du monde que d'un parti pris dans la vie. C'est pourquoi, quand j'intervenais comme conseil dans une entreprise, je n'embauchais pas les gens qui fréquentent les psys, et je crois aussi que c'est pourquoi Ségolaine Royal est populaire. Face aux gens qui s'enfouissent dans les questions sans réponse, il me parait meilleur de refuser purement et simplement d'entrer dans leur jeu que de chercher à les comprendre. Ils croient gémir parce qu'ils sont malheureux, alors qu'ils sont malheureux parce qu'ils gémissent.