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22 octobre 2006

La mystification

1 - La mystification, qui distingue le conscient de l'inconscient, (cause ignorée d'un effet ressenti) n'existe comme telle que par son pendant, le mystificateur, qui discerne la cause et ne ressent pas lui-même l'effet, mais peut parfois l'observer, le produire, donc expérimenter et contrôler le phénomène.

L'agrément de la mystification procède de cette coupure comme l'atteste la déception qui surgit quand la cause étant découverte, il n'y a plus mystification.

2 - Mais un cas particulier important est celui où c'est la véritable cause qui est ignorée, parce que le phénomène ressenti est attribué à une cause qui lui est étrangère. Il y a une part de mystification et d'illusion d'omnipotence chaque fois que le sentiment de comprendre procède de l'adhésion à une explication simple qui néglige l'interaction des causes dans la complexité des phénomènes. Et, comme la mystification est attractive, il se produit un jeu de distribution dont l'enjeu est la causalité, et la compétition entre des explications différentes alimente beaucoup de conversations où l'on discute de savoir si ceci est cause de cela, ou si c'est autre chose. Dans ce jeu de mystificateurs et de mystifiés, seule la règle définit lequel des deux est le gagnant.

Mais cette règle n'est pas forcément énoncée et un cas particulier intéressant est celui du double jeu si le mystificateur cherche à démystifier pour comprendre et si le mystifié se réjouit d'être ébloui. A l'inverse, si le mystifié explique ce qu'il ne comprend pas et si celui qui comprend se tait, un autre double jeu peut s'installer qui fait le pendant du premier. Cela correspond à peu près au schéma de l'analyse transactionnelle d'Eric Berne.

3 - Souvent ces jeux sont collectifs, et dans ce cas les jeux croisés sont séparés des jeux simples et reportés vers l'extérieur de la société. Ainsi peut-on analyser la séparation de l'église et de l'état, de la production et de la vente, de l'activité économique et de l'activité sociale, etc... Cela permet de garder présente à l'esprit la problématique de la mystification, que d'autres schémas d'analyse ne font pas apparaître. Au lieu de dénoncer la mystification comme corruption ou comme escroquerie, la mystification et la démystification apparaissent alors comme l'enjeu d'une partie, qui, selon les cas, et pour des raisons très diverses, amènent à les prendre en considération à part entière et non à part, en tiers.

4 - On peut alors se demander si les processus de mystification ne peuvent pas être ramenés à des règles générales et réversibles, qui, selon le but, peuvent être utililsées dans un sens ou dans l'autre. Pascal en parle de façon excellente dans son opuscule sur "L'art de persuader", mais il conclut: "la manière d'agréer est bien sans comparaison plus difficile, plus subtile, plus utile et plus admirable (que celle convaincre); aussi, si je n'en traite pas, c'est parce que je n'en suis pas capable; et je m'y sens tellement disproportionné, que je crois la chose absolument impossible." Cependant, on sait que les Pensées tendaient à ce but et qu'en déployant tous les moyens qu'il pouvait trouver, il utilisé le célèbre argument du pari. Cet argument peut aussi être utilisé en dehors de la religion, et on le retrouve chez les romantiques. Par exemple, dans "La nuit vénitienne ou Les noces de Laurette"" de Musset, Razetta explique à Laurette qui se marie, son acharnement à la conquérir quand même en disant: "Mais l'héritage de mon père, où est-il? J'ai perdu mes épaulettes; il n'y a que vous au monde à qui je tienne. Non, non, celui qui a mis sa vie entière sur un coup de dé ne doit pas si vite abandonner sa chance". Les jeux de hasard qui sont très répandus sont sous-tendus par le même argument, à savoir que la raison ne peut être invoquée quand les ordres de grandeur ne sont pas comparables. Le seul mérite que je trouve aux débats des cafés-philos est d'oser dire que la mystification peut être recherchée pour elle-même sans recourir à une quelconque transcendance, et, par conséquent produite pour elle-même, afin de répondre à la demande.
C'est peut-être de cette manière que le sacré se distingue du religieux ?

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  • Croire comprendre est seulement avoir l'impression de reconnaitre quelque chose de déjà connu, tandis que déclarer ne pas comprendre indique qu'on a essayé de comprendre et mérite que j'explique.
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