Le sacré et le religieux

Ce qui m'intéresse, et j'y reviens toujours, c'est de comprendre le malentendu. C'est, évidemment, en oppostion directe et totale avec l'intention des gens qui veulent vire dans le malentendu pour éviter ce qui'ls ne supportent pas, par exemple le conflit.
Mais comprendre le malentendu n'est pas facile car les gens qui vivent dans le malentendu ne disent rien. Les animaux non plus, mais on le sait et ils le savent eux-mêmes en quelque sorte, et avec eux, il n'y a pas de malentendu.
Le problème est bien plus compliqué avec les gens qui ne disent rien mais parlent. Il faut démmêler ce qui'ls ont entendu dire et répètent de ce qui vient d'eux. Car ils se masquent et se cachent derrière la parole parce que çà marche avec d'autres qui en font autant et alimente des jeux qu'ils jouent entre eux et qui ont leur fin en eux-mêmes. Il en va de même quand on joue à la balle avec un chien: cela n'apporte rien à la connaisance ni du chien ni de l'homme, mais cela permet un jeu entre un homme et un chien et ce jeu est une fin en soi pour l'homme et pour le chien.
Mais pour celui qui est curieux, la connaissance et la compréhension sont une fin en soi, et le jeu n'est qu'un moyen, parmi d'autres, d'y parvenir. J'en ai usé copieusement, toute ma vie. Le jeu de la profession de conseil d'entreprise m'a permis de connaître des tas de gens, y compris des gens qu'on ne rencontre pas facilement, en Afrique du sud ou au Soudan, le jeu de la vie de famille m'a permis de connaître des tas de gens, y compris mon père et ma mère; les hasards de la vie m'ont introduit dans des jeux de malade et de médecin de justiciable et de juge, et par cette entremise, sinon de connaître,du moins d'entrevoir quelques autres gens qui complétaient les connaissances que j'avais par mon père médecin et mon grand-père magistat, et puis, quand les jeux ne se présentaient pas, j'en créais pour pénétrer dans des univers opaques et comprendre ce qui s'y passe. Les exemples sont innombrables, et pour ceux qui sont moins curieux que moi, je dirai que, comme au poker, je suis de ceux qui payent pour voir le jeu des autres, y compris de me faire voler s'il faut passer par là pour comprendre le voleur.
C'est ainsi que l'autre jour, entendant parler de la mort de quelqu'un que je connaissais un peu, par l'entremise d'un de ces jeux, j'ai indiqué qu'il avait été mon psychanalyste, pour qu'on me parle de lui et que j'en sache d'avantage.
Immédiatement, les psychanalystes qui parlaient entre eux se sont tu, et comme je précisais que je ne savais pas qu'il était connu et célèbre, cela n'a fait que verrouiller d'avantage leur mutisme.
La seule chose intéressante que j'ai entendu était une espèce de sorte d'explication de ce mutisme, à savoir que les liens qui se nouent dans une  psychanalyse auraient quelque chose de sacré qu'il ne faut pas profaner.
Evidemment, cette idée est venue dans la tête de la personne qui l'énonçait parce qu'elle venait d'elle, et ne peut éclairer que sa mentalité. L'hypothèse qui me parait la plus probable et qu'elle s'imagine exercer un pouvoir imaginaire, par l'entremise de la psychanalyse, qui produirait un effet d'hypnose permanent. Ce serait un aveu de sa mégalomanie.
Mais, ce qui est également intéressant, est que les autres psychanalystes qui entendaient ces échanges n'ont pas relevé la chose, comme pour la protéger, ou, plus précisément comme on protège un complice, mais complice de quoi?
Probablement de pas grand chose, de cette faiblesse humaine qui porte à glorifier son gagne-pain.
Et si le gagne-pain est sacré, le plein emploi est religieux et le chômage hérétique.