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8 février 2007

Leçon de mariage

A - Le problème
La  différence entre les relations masque les différences entre les individus comme la différence entre les individus masque les différences entre les relations, et il sufit de le savoir pour pouvoir passer d'un mode de représentation à l'autre à condition d'avoir cette connaissance présente à l'esprit au moment où l'on est la proie de l'une ou l'autre de ces illusions.
Mais les gens qui se servent de vous préfèrent que vous restiez dans l'illusion pour que vous restiez dans leur jeu. Pendant la guerre de 14, les tranchées dans lesquelles vivaient les soldats étaient proches les unes des autres. Parfois, la nuit, dans une tranchée, un soldat chantait une chanson à laquelle répondait un soldat de la tranchée d'en face, et tout le monde écoutait. Mais le lendemain "on" leur demandait de reprendre la guerre.
A ce moment là, "on" correspond à un ensemble de gens qui s'efforcent de maintenir en vigueur les règles d'un jeu pour qu'il ne s'arrête pas. Au moment où vous êtes disposé à quitter le jeu pour changer le mode de représentation, ils vous rappellent à l'ordre, vous disent le jeu auquel vous devez jouer et en imposent les règles.
Certains sont bêtes comme les bourgeois, prisonniers d'un seul jeu, dont certains sont parfois méchants comme les bigots qui veulent imposer leur jeu aux autres. On en rencontre toujours là où, ayant trouvé un jeu à leur convenance, ils ont rempilé pour ne plus le quitter avec un entêtement à appeler bien tout ce qu'ils font et mal tout le reste. Les bourgeois, bêtes, mais pas méchants, font ce qu'on leur dit de faire parce qu'il leur manque une case et ne savent qu'appliquer une règle, copier un modèle, utiliser une méthode. D'autres enfin, libéraux, se rencontrent parfois, même dans des institutions figées ou vouées à la domestication, qu'ils sauvent de la déchéance et de l'abjection,  comme ces professeurs dont parle Giiraudoux dans Simon le pathétique:
"Chers professeurs, les amis de la concorde, qui vous êtes pourtant rangés à mon côté contre le censeur, et m'avez sauvé quatre fois de son conseil de discipline. Ce n'est pas seulement parce que j'étais toujours premier; il faut que toute classe ait son premier, comme elle a son dernier, et son menteur, et celui aux jambes maigres qu'on appelle tombé du nid. Mais je me rendais compte qu'ils estimaient, plus encore que le labeur, l'aisance d el'esprit, l'indépendance. J'étais respectueux sans humilité, zélé sans zèle. J'avais une écriture haute, nette, des cahiers à double marge, de sorte que la correstion n'y devenait pas une tâche infamante, mais la variante, mai un appendice. Je ne demandais jamais à répondre, mais interrogé, je me levais, et tout droit, et je ne feignais pas de m'asseoir sur l'encrier de la table voisine. Libéraux, ces hommes avaient de la reconnaissance envers un enfant libéral. Ils ne me tinrent pas rigueur de ne jamais m'attarder à leur chaire, la récréation sonnée; de ne jamais accepter leurs invitations pour le dimanche, comme si j'étais le perpétuel invité de mes camarades... Ils m'estimaient."
Dans ce cas, ce qui donne le ton n'est pas la règle du jeu, c'est le jeu. La règle, qui lui est subordonnée, peut changer.

Mais les bourgeois et les bigots ont aussi ont leur vie. Les bourgeois, égoïstes par bêtise, sont pragmatiques et se casent sans problème là où ils se sentent le mieux. Ils ne font de bien ni de mal à personne. Pourvu que le soleil les chauffe, que le soleil tourne autour de la terre ou que la terre tourne autour du soleil ne leur fait ni chaud ni froid. Seulement, il ne faut pas trop leur exciter l'esprit, sinon ils deviennent chercheurs et les intellectuels de broussaille se perdent dans les branchages.
Les bigots sont plus gênants. On leur accorde une religion, ils attrappent la Foi et veulent vivre leur Foi. Pour ce faire, on leur accorde des couvents. Cà ne leur suffit pas; ils veulent en sortir, prêcher. Certains, comme les jésuites, veulent se répandre dans le monde. D'autres veulent se marier, avoir des enfants. Mais la vie des autres les gêne; ils sont envieux. Alors, ils prétendent convertir les autres gens à commencer par leurs enfants en leur donnant un modèle à devenir. Parfois, ils font une vie terrible autour d'eux, se chipotent, se volent entre eux, rêvent de la mort des autres, y compris entre eux. En France, pour leur complaire, on a mis tout le monde à la même religion. Cest la révocation de l'édit de Nantes ou l'éducation nationale, et aujourd'hui, tout le monde il est démocrasseux ou fait semblant de l'être. Les médias remplacent le prêche et il  faut vivre dans le mensonge. Les bourgeois s'en accommodent mais çà ne suffit encore pas aux bigots insatiables. Pour eux, il ne suffit pas de vivre dans le mensonge, il faut se mentir à soi-même, vivre de la Foi. C'est ce qu'ils vérifient autour d'eux en tyrannisant leurs pauvres, en tyrannisant leurs enfants car ils veulent vivre à travers les autres; ils veulent que les autres réalisent les rêves qu'ils font et sont incapables de réaliser eux-mêmes. Ils veulent leur prendre leur vie et en faire des Capulet ou des Montaigu; de gré ou de force. Ils filtrent leurs lectures, ils filtrent leurs relations.
On leur accorde encore des thérapies. Quand le jugement des enfants s'éveille et qu'ils commencent à juger par eux-mêmes, on fait comme s'ils étaient malades. leur dit que c'est une crise d'adolescence, que çà va leur passer et qu'il leur faut du prozac. Alors, la ville de Paris remplace le château de Versailles; le mobiliser urbain remplace les buis taillés du parc et le devantures des magasins remplacent les jardins à la française. Un paradis terrestre s'offre à la contemplation dont les jardiners, politicards ou affairistes sont des voleurs masqués, formés à l'ENA  ou HEC, que les limousines sombres déposent le soir, exténués, devant les portes cochères du boulevard Latour Maubourg.  Mais le bigots sont acharnés. Cà ne leur suffit pas encore. Ils veulent le prozac pour tous et le tabac pour personne; la psychothérapie pour tous et le bonheur pour personne, les médias pour tous et le dialogue pour personne.
On finit par leur accorder l'indépendance, c'est-à-dire à leur laisser leurs institutions, et plus de la moitié des mariages à Paris sont ce qu'on appelle des mariages mixtes. Cette expression tautologique se comprend si au lieu de comparer les individus entre eux, on compare les relations entre elles. Faire le boheur d'une personne et d'autres, à naître, peut être un but dans la vie, tout autant que la vie éternelle au Père Lachaise et dans les manuels d'histoire ou que la vie éclatante sur les écrans de télévision ou dans les remises de légion d'honneur, ou que la vie de rêves qu'on essaye de réaliser à travers d'autres qui en souffrent et se rebiffent.

B - Avatars du mariage
Ce qu'on avait appelé au 12ème siècle le mariage de rite chrétien par oppsition au mariage de rite danois, puis le mariage tout simplement, au temps de la religion quand il distiguait le vie dans le siècle de la vie dans la règle par l'entrée en religion, se nomme aujourd'hui le mariage mixte par un énoncé redondant.
Il n'est nul besoin de se marier pour vivre ensemble, et je ne donne de leçon de mariage que comme on donne une leçon de conduite automobile. On peut se servir d'une auto pour élever des lapins, mais un clapier suffirait. Pour acheter une auto, il faut une indication. Une auto établissant une relation entre un point et un autre, son usage se compare à un autre mode de relation entre un point et un autre tel que la bicyclette, l'hélicoptère ou la marche à pied. C'est pour sortir d'une bigoterie que l'indication de mariage est la plus évidente. Et c'est pour sortir des relations entre frères ennemis que décrit si bien Shakespeare que l'église a fait du mariage un sacrement afin qu'il puisse tenir tête à l'entrée en religion,, en sorte qu'il soit reconnu et respecté par les bigots eux-mêmes et bloque leurs emprises. Mais, ceci n'est qu'un préalable indispensable pour remplacer un système de relations par un autre. Ensuite, de proche en proche, des relations d'entr'aide et de prévenance peuvent se développer et s'étendre en laissant de côté les relations de rivalité et d'envie, c'est-à-dire dans un autre champ, dans une autre vie de société. L'argument du pari que Pascal utilise en faveur de la religion, vaut tout autant pour le mariage, car il s'agit du même problème. Le terme de religion vient de religare qui signifie relier, et distinguer un système de relations d'un autre est indispensable pour sortir d'un système de relations insupportable. Mais il faut s'affranchir de la perspective individualiste pour découvrir la différence entre les modes de relation, ce que les gens à qui il manque une case, bourgeois ou bigots, ne savent pas faire.  C'est pourquoi Montaigne parle de la religion des animaux et La Fontaine a écrit des fables en écartant le parti pris de distinguer l'homme des autres animaux. Et une fois qu'on a saisi la différence entre les modes de relation. Le psaume 69 où l'on est accusé d'un crime que l'on n'a pas commis fait pendant à l'adage "qui veut tuer son chien l'accuse de la rage", qui est la devise des bigots.
Réciproquement, les bigots se sentent bien entre eux, trouvent leur bonheur dans la calomnie, bien mieux adaptée à leur cas que la médisance, car la calomnie peut se pratiquer à distance, et alors elle ne gêne personne et leur évite d'être contrariés. Ils arrivent même alors à se marier tout en entrant en religion quand un hommes épouse une militante d'action catholique qui épouse un polytechnicien métaphysique. Ce type de mariage peut être une indication pour ceux qui ne comprennent rien à l'art dont l'art de vivre procède, car ils se sentent mal à l'aise dans une société vivante . Tandis que l'une traque le mal chez les pauvres, l'autre fait des fusées. D'autres sont plus calmes. Aujourd'hui, dans le 7ème arrondissement, les bigotes carismatiques crient "Hosannah!" dans les corridors et il y a des polytechniciens qui cherchent des nombres entre les nombres, et ne font de mal à personne.
Quant aux bourgeois, ils ne savent pas plus ce qu'ils font quand ils se marient que quand ils travaillent. Ils font ce qu'on leur dit de faire et vivent à la va comme je te pousse. Ainsi, ils ne jugent pas par eux-mêmes et voient tout à l'envers : un châtiment prouve une faute, une félicitation prouve un succès. Mais leur bêtise est rarement naturelle. Une faiblesse qui peut n'être que passagère les a rendus dociles, mais cette docilité a été considérabement aggravée par des incitations qu'ils ont pris pour des encouragements alors que c'étaient des incitations à la lâcheté. Après coup, seulement, ils s'aperçoivent que ce qui leur arrive leur convient ou pas.  Ils ne savent pas faire des choix et laissent les autres choisir pour eux. Dans ces conditions, ils sont bien avisés de ne pas se marier, ou - ce qui revint au même - de se marier civilement, et de divorcer tout aussi civilement, comme ils se font embaucher là ou ailleurs, selon les occasions. Une leçon de mariage n'a pas de sens pour quelqu'un de docile, mais dans la mesure où cette docilité est l'effet de la terreur, elle est réversible. La France est le pays où l'état a inventé la Terreur comme moyen de gouvernement, et c'est dans l'éducation nationale qu'on en trouve l'héritage le plus évident.  Souvent, à l'adolescence l'idée d'un autre mode de relations que celui de la terreur suscite des discussions, parfois des expériences. Si, au lieu de s'évaporer en vaines reconstructions imaginaires du monde, hors de toute portée des moyens accessibles, l'idée de résister à la terreur prend corps, le mariage peut en devenir l'accomplissement, à condtion que cela signifie clairement l'abandon de la doclité et le passage de l'irréfléchi au réfléchi dans tous les domaines.

Conclusion
C'est ce qui nous ramène au début car le passage de l'irréfléchi au réfléchi renverse la perpective. Il ne sagit plus seulement de distinguer une personne d'une autre en inversant l'ordre, comme dans une partie de tennis n alterne la distribution des services ou des places occupées par les joueurs, ni même de passer d'un jeu à un autre, mais de distinguer une relation d'une d'autre un peu comme on passe d'un jeu à un autre en remplaçant un jeu de ballon par un jeu de cartes, sauf que c'est de la parole qu'il s'agit et de tout ce qui en dépend. La parole n'est plus un ouï-dire qui se promène, qui circule, qu'on entend et répète et dont on joue. Elle est ressaisie, ce qui fait passer du discours au dialogue où elle devient la règle et le fondement d'un jeu où l'on tient parole qui tient signification comme on tient une pince qui tient un objet. a partir de ce point de départ, le jeu peut s'étendre et rayonner mais aussi tout simplement se mettre dans l'extension et le rayonnement d'autres appications du même jeu. Car lorsqu'on travaille à plusieurs, le problème est le même, on ne peut travailler qu'avec des gens qui jouent au même jeu en appliquant les mêmes règles, c'est pourquoi l'embauche est essenteilleemnt discriminatoire.
Le mariage n'a cette signification que parce que nul n'est obligé de se marier. Qu'il ne soit pas une obligation et ne soit plus un usage lui donne une signification.
Mais cette signification, il l'avait déjà dés le 12ème siècle quand l'église, qui se chargeait alors de la gestion de populace comme aujourd'hui l'état, en sorte qu son char naviguait sur un volcan comme le char de l'état, c'est-à-dire à la godille, sans voile, sans dérive et sans gouvernail, au risque de quelques avatars qui n'ont pas manqué de se produire. L'église avait attendu que les couvents vendent du pain de mort-nés comme les laboratoires pourraient vendre aujourd'hui des biscottes au placenta pour qu'une sorte de comité d'éthique protège les enfants grâce à l'invention ingénieuse: le mariage de rite chrétien. C'est ainsi que la qualité d'épouse, attribuée par le mariage de rite damois à la mère de l'héritier désigné de la lignée fut transférée à une matiresse destinée à devenir la mère de celui-ci et mit fin aux luttes fratricides, que raconte si bien Shakespeare, en instituant un droit d'ainesse qui mettait fin aux contestations.
Mais la rage des bigots était telle que Bernard de Clairvaux a du énoncer des édits donnant aux gens mariés le droit de récupérer leur conjoint dans un couvent avec obligation pour l'abbé ou l'abesse de fournir, et on retrouve  le même problème quand on va voir aujourd'hui sur le site de l'Assemblée Nationale le compte rendu des travaux de commission sur les sectes, y compris dans la navigation à l'aveuglette et à la gaffe(1). Mais on verrait encore mieux dans les actes des notaires la manière des bigots et surtout des bigottes de prétendre entrer dans la vie éternelle par un testament. Les prêtres confessaient et absolvaient alors les péchés que les notaires avaient enregistrés selon une procédure combinée dont je vais donner un exemple.
Madame Maldant, propriétaire à Savigny les Beaune avait des vignes, et on trouve quelquefois à Carrefour des vins de Savigny du domaine Maldant qui en proviennent. Confite en haîne et en bigoterie, elle avait deshérité ses hériters naturels (ceci pour la haîne), et institué la commune de Savigny les Beaune légataire unverselle sous condition d'affecter les bâtiments à un hôpital tenu par des bonnes soeurs (ceci pour la bigoterie) , sans compter quelques dispositions accessoires, comme l'obligation pour la commune de laver sa pierre tombale à l'eau et au savon de Marseille toutes les semaines et diverses dispositons répartissant ses hardes et les vins de sa cave entre ses serviteurs selon leur rang correspondant aux qualités du vin des bouteilles léguées. On voit bien dans cet exemple comment l'égoïsme imbécile des bourgeois bornés se transforme en ingérances méchantes chez le bigot par l'entremise d'une religion qui lui permet d'entrer dans la vie éternelle par la porte du notaire, ce qui permettra bientôt aux Hospices de Beaune d'être cotés à la bourse de New York pour ses vins au même titre que les propriétés pétrolières de la famille Bush.
Mais les idées bigotes, comme de mettre les jeunes des balieues à l'éducation nationale pour les calmer sont complètement erronnées. Le mariage vaut beaucoup mieux. L'erreur est de traiter les problèmes de loin au lieu de les regarder de près. Mais quand on n'aime pas les gens, on s'en éloigne, et plus on aime les idées, moins on aime les gens.

(1) La vidéo a été retirée, mais elle a été remplacée par une autre commision sur le tabac où l'on voit Mr Evin, plus nul qu'une vache endormie, qui donne une bonne idée du genre de travail

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Commentaires
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  • Croire comprendre est seulement avoir l'impression de reconnaitre quelque chose de déjà connu, tandis que déclarer ne pas comprendre indique qu'on a essayé de comprendre et mérite que j'explique.
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