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24 mars 2007

Les propos inadmissibles

Tous les propos sont admissibles, mais l'enseignement est inadmissible.
Je ne veux pas dire que la commodité qui consiste à regrouper plusieurs personnes pour en écouter une seule soit à rejeter. Ce qui est inadmissible, c'est l'inculcation qui utlise ce procédé. Un propos n'est qu'une proposition. Pour qu'elle soit entendue, il faut qu'elle soit claire et directe, et pour qu'elle soit proposition il faut qu'elle soit rééquilibrée par une réponse aussi claire et aussi directe, qui se mette exactement sur le même pied que la proposition. Le moindre déséquilibre doit être immédiatement corrigé; s'il n'y a pas de place pour la réponse, il n'y a donc pas de place pour la proposition: "ceci ne me concerne pas, mais m'informe".
Cette idée d'une information qui ne me concerne pas implique un espace mental de rangement des informations qui permet des échanges d'informations comme la monnaie permet des échanges de marchandises. Les informations qui ne me conncernent pas sont une monnaie d'échange. Plus on en a, plus on est riche et peut échanger des informations qui ne nous concernent pas contre des informations qui nous concernent.

En lisant la page de publicité où le CRIF publie dans Le Monde, Libération et Le Parisien un article de François Léotard qui réagit contre les propos tenus par Raymond Barre sur le lobby juif, je me suis demandé ce qui donnait à cet article un caractère d'ignominie si absolue qu'il me faisait vômir de dégoût. J'ai été voir sur le site du CRIF et d'autres de quel mode de pensée et de vie cet échantillon était extrait, avec le secret espoir de comprendre la signification de ce terme d'antisémitisme qu'on entend employer tous les jours et auquel je ne comprends rien.

Il en ressort qu'il faut distinguer le fond de la forme. Car, pour le fond; Monsieur Léotard et les gens du CRIF peuvent avoir une opinion sur les racontars et je suis curieux de la connaître. Rien ne me choque là, mais rien ne m'informe non plus. L'article est complètement vide de toute information et de toute idée d'information. Il a même été rédigé par allusions de telle sorte qu'il soit incompréhensible à quiconque ne connait pas déjà ce à quoi il est fait allusion.
C'est un premier point: je peux le lire et le relire sans qu'il m'apprenne rien, et comme il n'est pas simple et direct mais tarabiscoté, il risque de me faire perdre mon temps, ce que je n'aime pas.
J'ai même tellement horreur de perdre mon temps que j'en tire toujours quelque chose et cet article me fait comprendre ce qui m'avait fait tiquer dans la conférence de Glucksmann sur son dernier livre, quand il dit qu'il n'y a pas de relecture, mais seulement lecture. Quand je me demande s'il vaut mieux lire ou relire, la réflexion me conduit souvent à conclure qe je risque moins de perdre mon temps en relisant qu'en lisant, sauf si quelqu'un de fiable me recommande un livre. Mais ce Glucksmann, avec qui, décidément, je tombe souvent d'accord, ne pense probablement pas à cela, mais à ce que les pervers appellent revisiter, et qui consiste à faire ce que fait l'article de Léotard, c'est-à-dire adopter un préjugé, s'imprégner d'un état d'esprit, présupposer une intention, jouer un personnage et faire le pître, pour parler de ce qui est écrit en détournant son attention de ce qui y est dit.  Ainsi font le potache qui chahute ou les psys qui interprètent.
Ce processus ne se développe que si on laisse faire car une simple paire de giffles y mettrait instantanément fin. Une paire de giffles ne fait de mal à personne, fait circuler le sang, et réveille, mais comme l'usage s'en est perdu, la rareté lui donne une portée exagérée. Mais on peut la remplacer par une réplique dont la manière cinglante produit le même effet: couper la chique.
C'est exactement ce que l'article de Léotard donne envie de faire.
Est-il ridicule ou odieux, cet article ? C'est l'un ou l'autre. Il ne devient odieux que quand on ne peut pas en rire, et quand on peut en rire, il cesse d'être odieux. Je pense qu'il parait odieux à ceux qu'il embobine et qui ne s'aperçoivent qu'après coup qu'ils ont été embobinés. Mais la cautèle est tellement criarde qu'il faut être très bête pour ne pas la voir.

Le CRIF soutient qu'il n'y a pas de lobby juif, et, ce faisant, il se manifeste comme tel. La problématique d'une insolence poussée à ce degré comporte quelquechose d'absolument incompréhensible. Pourquoi ne pas assumer ce qu'on est ? Ces gens-là ne semblent pas s'apercevoir qu'ils s'enfondent eux-mêmes alors qu'il serait si simple de se faire valoir, d'expliquer pourquoi il y a un lobby juif et en quoi il serait bienfaisant ? D'où vient cette posture d'accusé qui se défend au lieu de se faire valoir ?
J'ai l'impression qu'une faiblesse congénitale fonde l'idée de se regrouper pour gémir, que la communauté des gémisements installe le bureau des pleurs qui racole des pleurnichards et que l'ensemble forme un clapotis vaseux.
De là à comprendre, le pas est encore grand. Ils disent entre eux, semble-t-il,  qu'ils sont le sel du monde. Que ferait-on du sel s'il n'y avait pas d'aliments à saler? Et puis ce sont des êtres vivants, et dans un monde vivant, je  comprendrais mieux qu'ils évoquent les puces ou les moustiques qui mettent du piquant dans la vie.
Il y a peut-être de cela: un propos serait matière à piquer et l'occasion de se manifester. N'est-ce pas ce que développe Freud ? Il faudrait donc imaginer une vie qui se nourrit de propos inadmissibles, à côté d'une autre qui se nourrit de problèmes à résoudre.
Je regrette de n'avoir pas le talent d'un romancier pour développer cela.

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  • Croire comprendre est seulement avoir l'impression de reconnaitre quelque chose de déjà connu, tandis que déclarer ne pas comprendre indique qu'on a essayé de comprendre et mérite que j'explique.
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