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9 mai 2007

La pensée en boule de neige

La pensée en boule de neige va avec la vie en tourbillon: si le mouvement s'arrête, tout disparait. Le corpus n'existe que par le mouvement. Arrêtez le mouvement, et le corpus n'existe plus.
Cette pensée est nulle parce qu'elle ne touche pas à la réalité et ne représente qu'une illusion collective, la forme moderne de la religion. La pensée en boule de neige est illustrée notamment par les publications médicales. Elles s'agrègent les unes aux autres comme une boule de neige grossit quand on la fait rouler dans la neige, et tout cela peut fondre comme neige au soleil.

Mais ce jugement implique l'existence d'un autre mode de pensée qui se fonde d'une réalité physique sur laquelle on peut s'appuyer pour suivre le mouvement par la pensée sans être emporté par ce mouvement. Cet appuis sur la réalité peut inspirer un matérialisme tout aussi illusoire que la gonfle de la pensée en boule de neige.

Toujours est-il que ces deux modes de pensée se font pendant, mais souvent ne coexistent pas. Ils fonctionnent alors séparément et se développent chacun de son côté sans se confronter. Cela indique suffisamment qu'on ne peut pas en faire la synthèse ou ne sait pas la faire. Il faut en prendre acte comme quand on subit l'enseignement on remarque que la parole s'échappe du dialogue et se prive de la réplique pour produire le discours, dont l'auditeur rétif s'échappe pour ruminer son mécontentement en se répétant l'objection qu'il n'a pas pu formuler.

Si la synthèse de ces deux modes de pensée est impossible, le rééquilibrage est possible, à condition de poser le principe d'un mariage imparfait mais beaucoup plus solide que l'escapade dans un mode de pensée utilisé comme un talisman. Le résultat de ce mariage est un tri: la critique d'un mode de pensée par l'autre n'abolit pas l'autre mode de pensée et ne porte pas sur le mode de pensée lui-même. Elle porte sur l'usage abusif qui en est fait.
Une conversation qui a cet objet n'est féconde que si les interlocuteurs sont d'accord sur son principe. La contradiction y sera recherchée pour déterminer le point où s'équillibrent les forces d'attraction de deux modes de pensée qui tirent en sens opposé des observations pour les intégrer à leur système.
Mais, pour ne pas tomber dans le piège de la prévision, il ne faut pas relier les points entre eux, ou ne le faire qu'à bon escient avec beaucoup de précautions. Car les visions sont captieuses à tel point que ce qu'on appelle la furia francese consiste à bondir sur une prévision. Cette précipitation qui explique, par exemple, l'élection de Mr Sarkozy est un procédé très efficace en France pour produire un changement par bond. Je l'ai beaucoup utilisé quand j'étais conseil d'entreprise pour faire avaler une transformation nécessaire en figurant un but de telle manière qu'il focalise tous les regards, car - en France - c'est effectivement la manière de produire cet effet. Mais c'est un effet de croyance religieuse: on montre une vision céleste où, comme dit Sarkozy, "ensemble, tout devient possible". Cette furia francese que Stendhal évoque à chaque instant dans La Chartreuse de Parme est le ressort bonapartiste d'une victoire obtenue par la vision de la victoire, et par une vision de la liberté qui est l'hallucination de la toute puissance. Mais, si on arrive à s'affranchir de la perspective individualiste, on constate qu'il s'agit d'un phénomène religieux, reposant sur le religare et que c'est uniquement l'identité de vision et le processus d'identification qu'elle engendre, qui déclenchent un mouvement de masse. Quand la vision s'effacera, la désillusion sera brutale et instantanée comme après Waterloo ou Sedan.
Particulièrement significative est la réponse que m'a faite ce bon Mr Juppé quand je lui ai demandé sur son blog - simplement parce que je le supposais renseigné - combien avait coûté le rapatriement de Florence Aubenas et combien on avait proposé pour acheter la signature de l'accord Executive life: En guise de réponse, il s'exclamait: "Ciel ! Revenez sur terre!". C'est lui qui avait une vision céleste et j'étais terre à terre. Il est également remarquable que les Français oublient très vite quand ils sont captés par une vision commune. Ils ont complètement oublié que l'année dernière et même au début de cette année, ils ne croyaient pas l'élection de Sarkozy possible, comme ils sont oublié que de 39 à 45 la France était occuppée, etc... Cette mémoire sélective, organisée par la vision collective du moment est présentée comme une vertu dans les sermons de Carème qui développent l'idée de "vivre sa Foi", la Foi qui, dit-on, "renverse les montagnes", et qui, en réalité est une ruée.

Mais cette ruée est aussi une coordination. Dans certaines circonstances, elle est utile. Quand il faut opérer, il faut faire appel à un chirurgien; quand il faut faire passer un cap à une organisation ou la tirer d'affaire, il faut faire appel à un intervenant extérieur; quand une nation est en péril, il faut faire appel à un dictateur. Mais ensuite, le chirurgien, le conseil d'entreprise ou le dictateur passent à autre chose. Ce qui est dangereux, c'est qu'ils restent et fassent partie de l'institution comme Napoléon, Hitler, Bush ou Sarkozy, parce qu'alors, ils deviennent prisonniers de leur entourage et du tourbillon.

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  • Croire comprendre est seulement avoir l'impression de reconnaitre quelque chose de déjà connu, tandis que déclarer ne pas comprendre indique qu'on a essayé de comprendre et mérite que j'explique.
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